Les
plus vieux d’entre nous s’en souviennent : la recherche de supports de
cours pouvait s’avérer un véritable parcours du combattant. Au commencement, il
y avait le Forum du BE droit, les sites de facultés ayant des cours commun avec
nous, le contact d’anciens étudiants par mail. Ensuite vinrent les initiatives
des uns ou des autres de centraliser, autant que possible, les différents
supports. Mais en raison des manques de mises à jour, des hébergements
capricieux ou encore de la multiplicité des sites à consulter, la tâche de
l’étudiant demeurait lourde et ses résultats, incertains. Puis vint
Respublicae, qui ouvrit une nouvelle ère. Ses lumières percèrent les ténèbres,
et l’accès à des supports de qualité, sans cesse mis à jour dans une solidarité
toujours renouvelée, fut enfin réalisé.
Mais qui se trouve derrière ce projet, et en quoi consiste-t-il
précisément ? Une cigarette roulée aux lèvres, l’air décontracté, les deux
architectes du projet, étudiants en MA1 et délégués d’année, se livrent aux
Novelles. Valentin Jadot est vice-président du BE depuis l’année dernière, en
charge de la partie délégation facultaire et représentant étudiant auprès de la
commission enseignement de l’ULB, et Lucien Rigaux est délégué coopté à la
commission culturelle de l’Université
Parasite Noctambule : Avant tout, qu’est-ce que Respublicae,
et comment l’idée vous est-elle venue ?
Lucien Rigaux : C’est une plate-forme étudiante qui a 3
missions. Premièrement, responsabiliser et conscientiser l’étudiant, objectif
qui était poursuivi, dans un premier temps, grâce à la première version de
notre site, un simple fil d’actualités où les délégués laissaient des infos.
Deuxièmement, le développement de la solidarité entre étudiants, que l’on
promouvait via la mise en place d’une infrastructure de partage de documents.
Troisièmement, la centralisation de tous les outils étudiants sur une seule et
même plateforme, mission remplie par la version 2.0 de Respublicae et
développée encore plus sur la version 3.0, grâce à l’agenda, à un fil de discussion,
à des valves centralisées,…
Valentin Jadot : Je pense que l’on a vu qu’il y avait
plusieurs problèmes dans l’action des délégués étudiants. D’abord, au niveau de
la transparence et de la communication, car il n’y avait pas vraiment d’espace
où publier des flux d’actualités pour tout le monde, et beaucoup ne
comprenaient pas, ne voyaient pas ce qu’ils faisaient. Ensuite, au niveau de leur
activité, en première année, ils attendaient que quelqu’un se plaigne avant
d’agir, on a réalisé qu’il y avait matière à développer une proactivité plus
forte.
Lucien et moi, on était
intéressés par la chose publique, les débats publics, etc. et donc on a essayé
de combiner ces 2 objectifs : proactivité et communication. On est arrivés
en disant qu’on allait faire un site web pour pouvoir communiquer, pouvoir
montrer que les délégués remplissent une mission importante, leur permettre
d’avoir les outils pour assurer au mieux leurs missions. Au sujet de ces
outils, on a développé à l’époque, sur cette première version du site, la
« class action », qui existe toujours aujourd’hui d’ailleurs. C’est
juste un jeu de mots, c’est fort différent du mécanisme présent notamment aux
Etats-Unis, et ça consiste à disposer d’un système où les étudiants, en cas de
grande question qui traverse l’auditoire, pourraient s’exprimer. C’est un peu
entre le sondage et le référendum, et quand on a une décision un peu délicate à
prendre, on peut questionner l’auditoire pour être certain d’être en phase avec
notre base.
P : Le class action, c’est le système accessible aujourd’hui
depuis RP qui a notamment été utilisé au sujet de l’horaire de 2ème
session l’année passée ? Que s’est-il passé à ce moment ?
V : Oui, l’année
passée, l’organisation de la 2ème session des BA3 était un peu
délicate, car 2 des plus gros examens se trouvaient au début de celle-ci. Il
fallait un peu réorganiser tout ça. A ce moment, on se demande « mais qui
suis-je au final pour me permettre de modifier l’horaire de 2ème
session ? » Evidemment, on a un mandat de délégué, mais c’est délicat
comme question. La solution à laquelle on aboutit va-t-elle plaire à tout le
monde ? Cela ne va-t-il pas engendrer des problèmes que nous n’avons pas
perçus ? Certaines personnes ne vont-elles pas être super lésées ?
L’horaire de seconde session, c’est typiquement une question excessivement
importante pour un étudiant, ça peut le foutre complètement dans la merde. Dans
ce cas, le class action est un très bon outil. Non pas pour trouver un horaire
qui plaise à tout le monde, car c’est impossible, mais avoir un truc qui
arrange le plus de personnes.
L : En fait le
système peut avoir 2 fonctions, sondage ou pétition pour appuyer une demande.
P : Je me souviens que le truc vous avait occupé pas mal de temps
au mois de juillet pour faire aboutir le class action, et quand les changements
ont été opérés, vous avez été très critiqués, notamment quant au caractère
représentatif d’un tel système. Certains avançaient que la décision finale
n’émanait que d’une minorité d’étudiants qui avaient connaissance du système,
et que si tous les étudiants avaient pu voter, le résultat aurait été bien
différent.
V : Des gens ont
critiqué, oui. Je pense déjà qu’au niveau de la communication, il faut savoir
que si on n’avait rien fait, on nous aurait encore plus critiqués. Là, au
moins, on s’est assuré que la majorité des étudiants étaient pour la solution
dégagée. Il faut savoir que 97% des étudiants en droit sont inscrits à
Respublicae, que lorsqu’on publie une class action, on envoie un mail à tous
les étudiants inscrits de l’auditoire concerné, et qu’on publie des messages
sur Facebook, ce qui donne une certaine légitimité. Ce n’est pas un outil mis
dans un coin avec 3 ploucs, c’est vraiment toute la fac qui a pu l’utiliser,
donc une class action assure une réelle expression de la majorité.
L : Et surtout, on
laisse le temps de voter. On fixe un délai minimum de 48h pour voter.
V : Et même plus.
L : Oui, 48h c’est
un minimum.
V : A ça, il faut
ajouter que le vote final était quand même écrasant en faveur de la solution
finalement adoptée.
L : On essaye de
trouver un moyen pour que la démocratie s’exprime, on ne peut pas dire que le
class action ne soit pas démocratique. Maintenant, si les étudiants ne votent
pas, ils ne peuvent pas ensuite se plaindre. Enfin, dans le cas précis de
juillet, il y avait vraiment une majorité écrasante des étudiants, donc la
question ne se pose pas.
P : Vous parlez de majorité écrasante, de l’inscription de 97% des
étudiants sur Respblicae. Faites-nous un peu rêver avec des chiffes :
combien d’inscrits, quelle fréquentation tous les jours, sur l’année ? Le
mois au cours duquel les visites sont les plus nombreuses, les moins nombreuses ?
V : Il y a 1916
étudiants dans la Faculté de droit, sans compter les masters complémentaires et
les chercheurs, etc., et il y a 1860 inscrits sur Respublicae, ce qui
représente, comme on l’a déjà dit, 97 pourcents des étudiants. Ces chiffres
sont pris au premier juillet 2012, après 6-7 mois d’activité. Le nombre total
de visites sur la période s’étalant du 1er décembre au 1er
juillet est de 89621 (une visite=un étudiant qui se connecte au site). En
période haute, c’est-à-dire dans la période qui s’étale du 10 mai au 10 juin,
Respublicae reçoit en moyenne 700 visiteurs uniques par jours, c’est-à-dire 37%
des inscrits. En période basse, par exemple du 10 mars au 10 avril, 300
visiteurs uniques par jour. Evidemment, en période de vacances, ça devient
parfois anecdotique, style 10 visites par jour.
P : Combien de gens travaillent sur RP ? Combien de temps
cela prend-il ?
L : Val et moi
sommes gestionnaires du projet, mais depuis que nous avons fusionné avec Studagora,
Gaëtan Lefèvre s’est joint à nous en tant que gestionnaire. Puis on a une
équipe de développeurs du site web, Olivier Kaisin et Benjamin Van Melle. Au
début, les codeurs bossaient beaucoup, car le site n’existait pas encore et
tout restait à créer, et nous un peu moins, car on ne devait pas encore effectuer
de gestion, de recherche de sponsoring. Puis la tendance s’est peu à peu
inversée, on a bossé de plus en plus, eux ont eu un peu de répit, mais
maintenant, ils bossent à nouveau énormément sur la nouvelle mise à jour.
Concrètement, parfois on fait que ça de la journée, certains jours on ne bosse
qu’une heure, mais c’est rare qu’un jour passe sans que nous ne communiquions
au sujet de RP.
V : je dirais que
c’est un quart temps en fait. Parfois on fait 4-5 jours full time non-stop,
parfois c’est 4-5 jours sans en parler, même si c’est très rare.
P : Concilier l’aventure RP avec les études, c’est facile ?
L : Parfois c’est compliqué.
Mais on est obligé de concilier, donc on le fait.
V : Parfois, on va
pas aux cours à cause de ça. Comme tout projet étudiant, c’est tout un
investissement. Il y a moyen de le concilier avec les études, car le temps
qu’on passe dessus, c’est du temps en moins passé à rien foutre sur Facebook.
Par exemple, je ne regarde plus jamais de film ou de série, parce que chaque
soir je dois faire des trucs. Mais en même temps c’est un choix, on le vit
plutôt bien. Evidemment, parfois on pète un plomb.
L : Ouais !
Parfois on se dit qu’on a besoin de vacances, d’une pause. Mais même quand on
prend des vacances, on doit se consulter pour décider des dates et il arrive
que je lui dise « non non, tu ne pars pas à telle date ! »
V : Exactement. On
est obligé de calquer nos vacances là-dessus, c’est pas facile tout le temps.
P : Quel est votre idéal au sujet de RP, comment verriez-vous le
projet aboutir ?
L : Là, dans
l’immédiat, ce qu’on va faire maintenant, c’est un site pour toute l’Unif. Mais
concernant l’élaboration du site, on n’a jamais eu de réel but à atteindre, on
a plus procédé étape par étape, l’une après l’autre. La première étape, c’était
la Faculté de Droit, maintenant c’est le site pour toute l’Unif, et plus tard,
pourquoi pas encore plus loin ? Mais là, on brûle pas les étapes, on fait
step by step, avec les moyens du bord.
V : On a pris le
temps de développer, avec plusieurs mises à jour, un RP pour la fac très
correct. Maintenant, évidemment, il y a encore des cours à mettre à jour avec
la réforme, etc. Comme on a beaucoup bossé sur la 3.0, on n’a pas encore eu le
temps de mettre à jour à fond la 2.0 [Ndlr : le site est maintenant à jour],
mais on a essayé de bosser step by step, pour essayer d’avoir un truc très
stable, fonctionnel, sur la Fac de Droit, mais maintenant on bosse pour avoir
un truc très stable, fonctionnel, sur toute l’ULB. Evidemment, le problème,
c’est qu’on a dû tout reprendre depuis le début, depuis la base, repenser tout
un site. Ça prend un temps de dingue, mais comme l’a dit Lucien, on avance, et
si on arrive à avoir un site utilisé par 25000 étudiants, qui marche bien,
grâce auquel on rend vraiment service à ces étudiants, si on parvient à être la
plateforme de l’ULB, et qu’on contribue à la collaboration entre étudiants,
notamment par la collaboration entre les différentes associations, on aura
vraiment déjà bien rempli les buts de l’ASBL, à savoir pousser la coopération,
la responsabilisation. Mais faut pas péter de câble non plus, parce que plus on
avance, plus ça prend du temps, donc à un certain moment, peut-être que
certains choix ne seront plus possibles, mais pour le moment, si on arrive déjà
à sortir un truc qui marche très bien, et je pense que ce sera le cas, on est
très bien parti.
L : Il est clair que
l’équipe va bientôt devoir s’élargir.
V : C’est certain.
P : Et vous avez vocation à continuer ça après vos études ?
L : Pourquoi pas. C’est
pas à pas. Peut-être que d’ici la fin de nos études, une nouvelle plateforme
aura tout mangé, peut-être même que ce sera Facebook ou Google, mais peut-être
que non, et on pourra alors continuer. Là, pour le moment, on n’a pas envie que
ça s’arrête, on a envie de continuer, maintenant et après nos études. Mais il
faut voir comment la situation évolue.
V : Une chose est
sûre : quand tu passes 2 ans à développer un truc, tu vas pas tout planter
un an après, je crois qu’on a vraiment envie que ce soit un truc qui perdure.
C’est pour ça qu’on se bouge à refaire un site depuis la base, applicable à
toute l’ULB, car le site qui va sortir est différent de celui de la Fac de Droit.
Il est conçu pour durer parce qu’on a envie que ce soit un truc qui perdure, et
on n’a pas envie de terminer nos études et de tout laisser tomber. Mais on a
aussi envie qu’il puisse vivre de lui-même, sans nous, et s’il faut nous
remplacer ou agrandir l’équipe, il faut qu’il puisse continuer.
Si on quitte un jour le
bateau et qu’on devient conseiller extérieur pendant que d’autres font la
gestion quotidienne, pourquoi pas, mais on verra comment évolue le truc, on verra
si on continuera à se fixer des objectifs plus larges. Mais en tous cas, une
chose est sûre, on a envie que le site tienne, et on est vraiment prêts à tout
faire pour sa pérennité. On a d’ailleurs déjà concrétisé ça en plusieurs
points.
Premièrement, on a fondé
une ASBL, ce n’est plus juste nous deux, c’est une structure juridique qui est
en charge de la chose, et donc on peut éventuellement remplacer les membres du
conseil d’administration, comme un BE ou un BEA qui survit au fil des
générations. Et deuxièmement, on assure cette pérennité par la licence libre,
qui fait partie de la philosophie du projet, mais qui n’est pas encore
d’actualité pour le moment.
P : Tantôt, vous parliez de Facebook, dont on entend parfois que
vous partez à sa conquête. Qu’avez-vous envie de dire à votre concurrent Mark
Zuckerberg ?
L : C’est qui ce
péquenaud ? Non, plus sérieusement, il a prévu un truc student sur
Facebook. Le problème de ce projet, c’est que ça ne comprend pas le travail que
nous on fait, c’est-à-dire un travail de terrain, on doit côtoyer les BE, les
associations, et on fait un site sur mesure, sur la Faculté, sur l’Unif, et
Facebook pourrait faire ce qu’il veut, ça n’aurait pas le succès de notre
plateforme dans la mesure où celui-ci est issu de négociations avec les
représentants de l’ULB, des facs, des BE, etc., et on est proches de la
demande, on sait assez vite ce qu’eux veulent, et donc on est plus flexibles de
ce point de vue-là.
V : Par exemple,
Gehol. RP 3.0 va intégrer Gehol, good luck à Facebook pour le faire. Facebook,
à la base, c’était dédié aux unifs, au fonctionnement des unifs, puis Facebook
s’est élargi, généralisé, ça lui a créé un succès mondial qu’on lui connaît,
mais Facebook a perdu en ça une partie de sa puissance : le fait que
c’était pour les étudiants, et que c’était super bien fait pour les étudiants.
Et ils reviennent un peu en arrière en lançant Facebook School. Finalement, ils
ont oublié un peu leur origine, faire quelque chose pour les étudiants, pour
l’organisation des cours. Actuellement, on ne concurrence pas Facebook.
L : On n’est pas sur
le même terrain. Facebook est plus sur le terrain du divertissement, nous plus
sur celui de l’étude. Je pense que si Facebook décide d’aller sur le terrain de
l’étude, de la vie professionnelle, etc., il va s’y perdre, car l’étudiant va
avant tout sur Facebook pour partager ses photos, ses statuts, mais l’optique
est différente de celle de RP, de Linkedn, ou encore de Twitter. C’est
différent.
V : Encore un bel
exemple à part Gehol : classer les documents par type de cours, par type
de discussion, donner des étiquettes à chaque document (résumé, powerpoint,
conférence…), des trucs spécifiques aux demandes des étudiants. Nous on est
proches de la demande, on est nous-mêmes étudiants et délégués, on voit quels
sont les trucs spécifiques que Facebook n’offre pas. Par exemple, le mur
Facebook, bien sûr c’est très utilisé, mais le problème, c’est que c’est le
bordel. Si tu veux retrouver une question, c’est le bordel. Maintenant, ils ont
un mis un petit moteur de recherche pour chaque page, mais ça fonctionne mieux
si tu te souviens du truc. Mais ça reste un bordel sans nom. Tu peux pas
classer par cours, par type de question. Nous, on reprend les points forts de
Facebook, on s’inspire beaucoup de Facebook, qui est à la pointe, mais on
l’adapte pour les étudiants de l’ULB.
P : String ou petite culotte ?
(A l’unisson) L &
V : SHORTY !!
P: Comment est financé RP?
L : Au début, on
s’est financés grâce au BE, à ELSA et au BEA, en leur proposant un contrat-location
d’une partie de RP pour y faire leur site. Mais maintenant, notre optique à
terme est de ne plus faire payer les associations de l’ULB car on considère que
celles-ci doivent être libres et ont leur place, de droit, sur RP. Dans cet
esprit, on a fait une importante remise de dette cette année, par rapport à
cette location. Par ailleurs, les
subsides publics et le sponsoring nous permettront de nous financer.
Toutefois, on a une
charte graphique concernant RP, qui empêchera que le site ressemble à un sapin
de Noël de sponsors, à droite à gauche, en pop-up etc., ainsi qu’une charte
éthique dans le choix des sponsors. Enfin, la philosophie du web libre
qu’adopte RP, qui est intégrée dans nos conditions d’utilisation et nos
contrats de sponsoring, entraîne que jamais nous ne permettrions qu’une
quelconque information communiquée par les étudiants soit vendue.
P : Comment contrôlez-vous le respect des droits intellectuels par
les étudiants qui uploadent des contenus potentiellement protégés ?
L : On a quitté la
génération Skyblog, dans laquelle n’importe qui pouvait commenter n’importe
quelle photo de manière anonyme, pour entrer dans la génération Facebook, dans
laquelle tu écris toujours ce que tu veux, mais sous ton nom, ce qui te responsabilise
davantage. Préventivement, ça empêche déjà les gens de couiller, de mettre des
images illégales ou trop borderline. Vis-à-vis de notre responsabilité, on est
hébergeur, et on fait signer une charte avant chaque inscription qui dit que
chaque utilisateur qui met un contenu en est responsable. Donc nous ne sommes
pas responsables, mais si on voit un contenu clairement illégal, comme une
image pédopornographique, on le retirera immédiatement, et si le caractère
illégal est discutable, on enverra un mail au type qui l’a uploadé, pour
comprendre les raisons de son upload.
V : Tout à fait. On
a eu une discussion avec la Doyenne Andrée Puttemans, qui nous demandait ce qui
serait fait si quelqu’un publie sur Respublicae un contenu en violation du
droit d’auteur détenu, par exemple, par un éditeur. Cette hypothèse est plus
vraisemblable que celle des images pédopornographiques, et dans la version 3.0,
il est prévu que l’utilisateur s’engage à avoir les droits sur ce qu’il uploade,
et qu’il accepte que les fichiers problématiques soient retirés en cas de
réclamation du tenant des droits, professeur, auteur, éditeur... Comme ces
uploads ne sont pas anonymes, les utilisateurs sont responsabilisés et savent
qu’ils s’exposent, le cas échéant, à de graves problèmes.
L : Il y a un truc à
savoir, c’est que les profs, pour le moment, peuvent s’inscrire sur Respublicae
sans problème, mais sur la 3.0, grâce au NetID, ce ne sera plus le cas. A
terme, la plateforme accueillera les professeurs, mais avec un accès limité,
circonscrit.
P : Pouvez-vous parler plus en détail du NetID ?
V : Le NetID, c’est
ce avec quoi tu te connectes notamment à MonULB, et l’Université a mis en place
un système permettant aux projets étudiants de récupérer certaines
fonctionnalités du NetID. Evidemment, on n’a pas accès à toutes les infos des
étudiants, mais en gros, lorsque les étudiants voudront aller sur RP, ils
s’identifieront auprès de l’ULB, et l’ULB nous dira « ok, c’est bon, il
est identifié, il est bien étudiant de l’ULB, il peut accéder à RP ».
P : Comment gérez-vous les relations avec d’autres sites faits par
des étudiants, pour les étudiants, comme le site d’enregistrements Unikowski.net
? Vous les absorbez, collaborez, fusionnez ?
L : Pour prendre
l’exemple de Jonathan Unikowski, on a discuté avec lui de son site dont on
pourrait dire qu’il divise un peu la centralisation recherchée par RP. Mais
clairement, il n’essaye pas de créer de plate-forme concurrente de RP, et son
site comble un manque actuel de RP, à savoir l’impossibilité technique d’y uploader
des fichiers audio. Heureusement que son site existe pour servir de système
transitoire en attendant la sortie de la 3.0.
V : Par ailleurs,
par rapport aux enregistrements audio, la question des enregistrements a créé
des tensions. La question a été abordée devant la commission de l’enseignement
de la faculté et devant le conseil facultaire, en même temps que celle des
droits d’auteur en général. Pour y voir plus clair, on a consulté de très
grands juristes, en l’occurrence nos professeurs, et ils ont approuvé notre
système, à savoir une charte et des conditions d’utilisation que les
utilisateurs doivent s’engager à respecter, qui entraînent une
responsabilisation de l’étudiant. A chaque fois qu’un étudiant uploadera un
enregistrement audio, il s’engagera, comme pour un document Word, à disposer
des droits sur le contenu partagé, en l’occurrence en ayant reçu l’autorisation
du professeur enregistré. Cette question ne devrait plus poser de problème.
L : En 2 mots, dans
RP 3.0, on quitte le système menu classique d’une page web. Pourquoi ? Car
beaucoup d’utilisateurs nous disent qu’à leurs yeux, tel système ou telle
partie du site ne leur servent à rien, là où d’autres utilisateurs nous en
disent le plus grand bien. Donc on est parti sur une autre philosophie, où on
part d’un market d’applications, dans lequel tu peux choisir lesquelles mettre
sur ton écran d’accueil, comme dans un smartphone.
V : On abandonne le
menu traditionnel du vieux web. En plus, on va augmenter le nombre de services,
puisqu’on veut centraliser de nouveaux types de documents, comme les podcasts,
il y a aura beaucoup plus d’associations, donc on veut permettre à chaque
utilisateur de personnaliser son Respublicae, un truc plus en phase avec
l’époque, plus ergonomique, à la place d’un menu hyper long hyper lourd.
L : On nous a
souvent demandé pourquoi RP 3.0 avait autant de retard. Au-delà des problèmes techniques,
on a aussi le fait qu’il y avait une autre plate-forme, Studagora, qui se
développait au niveau de l’Unif, à la tête de laquelle se trouve Gaëtan, qu’on
a rencontré au BEA, et avec qui a discuté pour savoir dans quelle mesure on
pouvait fusionner nos 2 projets, et donc depuis 2 semaines, on a fusionné avec Studagora,
et Gaëtan rejoint le CA de Respublicae.
V : Solvay et Droit
allient leurs forces pour créer la plateforme web ultime pour l’ULB.
P : Avez-vous senti des réticences de la part d’autres facultés de
l’ULB ?
L : Comme au sujet
de Studagora, en fait. On avait discuté de RP avec Archi et d’autres facultés,
mais en arrivant à Solvay, par exemple, le mec nous a complètement envoyés
péter en disant qu’ils avaient déjà Studagora.
V : Et le mec de
Studagora était allé voir la Fac de Droit et des gens l’ont aussi envoyé
complètement péter. Il y avait donc 2 projets, et donc une division des
obédiences des différentes facultés, qui prêchaient pour un projet plutôt que
l’autre, car ils connaissaient les gens à leur tête, par exemple, ou parce
qu’ils n’avaient eu accès à la présentation que d’un des projets, avaient été
convaincus, et ne voyaient pas la nécessité d’une autre plateforme. Ça créait
donc des problèmes entre Studagora et nous, alors qu’au final, notre but était
le même : une plateforme pour toute l’ULB, et on avait intérêt à
s’associer, vu que nos défauts et qualités étaient compatibles avec celles de
Studagora, et que ses forces ont pu combler nos faiblesses et vice-versa. On a
donc passé beaucoup de temps autour d’une table, en négociations, et au final,
après avoir pris le temps nécessaire à assurer une bonne fusion, pour être
d’accord sur tous ses points, sur la philosophie, sur le site, etc., nous
aurons finalement, pour toute l’ULB, un site unique, Respublicae, fort des
nombreux éléments apportés par Gaëtan et son site Studagora. On en sort
beaucoup plus fort, ç’aurait été con d’avoir 2 équipes ayant pour but la centralisation mais incapables de
fusionner leur projet.
Maintenant, pour la
sortie de la 3.0, on a le soutien d’Alain Delchambre, qui est président du CA,
Martin Casier, qui en est le Vice-Président, et
Arnaud Tinlot, président de l’Union des Anciens Etudiants, d’à peu près tous
les doyens de toutes les facultés, et de tous les BE. Il n’y a plus qu’à
attendre le site. C’est notamment grâce à la collaboration avec Studagora,
parce que nous, on avait blindé axé notre action sur le développement du
nouveau site, on avait développé le site internet, on avait l’accord du
Président et du Vice-Président, mais Gaëtan était allé démarcher tous les BE,
les doyens, et l’association de nos forces nous a notamment apporté ça. Et
maintenant, le RP post-fusion fédère tous les accords sur l’ULB, on peut le
dire.
P : Il paraît que les mails de déclaration d’amour, les courriers
enflammés, pullulent depuis que vous êtes devenus des people de la Fac. Quel
est le profil type de la fan parfaite, et que lui faut-il pour vous
plaire ?
L : Ecoute, si tu
pouvais trouver toutes ces gonzesses et leur donner nos bonnes informations de
contact pour qu’elles puissent nous communiquer tous ces mails dont tu parles,
ce serait excellent.
V : On adore ce
qu’on fait, on l’a dit, ça nous prend beaucoup de temps, parfois on est
frustré, mais c’est vrai que pour beaucoup de gens qui s’investissent, et c’est
normal, et c’est comme ça pour tous les projets du monde, on reçoit au final
surtout des feedbacks négatifs. On a pas mal de commentaires positifs aussi,
mais bon, en général les gens s’expriment plus lorsqu’il y a un problème,
auront plus tendance à envoyer un mail pour dire qu’ils ont rencontré un
problème que pour nous dire que c’est génial, fabuleux, bravo. Mais toutes ces
critiques nous permettent d’avancer.
L : Et pour remédier
à ce problème, au fait qu’on n’avait pas assez de mails de gonzesses, etc., ce
qu’on va faire, c’est qu’on va commencer à se rémunérer, parce que l’argent ça
attire, et qu’on va acheter une jeep, 2 gonzesses à l’arrière, en bikinis,
parce que les autres gonzesses, quand elles voient ça, sur fond de la musique
qui va super fort, et nous en mode rappeur au volant, ça va les attirer. Et
puis pour qu’on sache que c’est nous à la tête de Respublicae, il y aura, sur
l’écran d’accueil, nos 2 photos.
V : En ENORME.
L : Avec un grand
sourire méga bright.
V : Et des places
gratuites de ciné si tu cliques sur l’une de nos 2 photos. En tous cas, blague
à part, tu parles de fans. Moi je voudrais faire un appel aux gens qui nous
soutiennent : On a une ASBL qui grandit, on a besoin de gens pour nous
aider, parfois pour faire des trucs basiques, comme dans toute association,
comme clasher des affiches, parfois des trucs plus importants, comme commenter
la direction à prendre, nous aider à gérer les contacts avec les associations,
ou toutes autres propositions d’aide.
L : De filles
V : Oui, on ne prend
que des filles !!
P : Vous parliez de thunes. Il y a une rumeur qui revient souvent
selon laquelle, grâce à RP, vous vous faites des ultra couilles en diamant, et
que vous gagnez plein plein de thunes…
L : Mais on te l’a dit !!
Le but, c’est la jeep avec les filles derrière !
P : … Et que c’est scandaleux que vous fassiez appel à des bénévoles,
comme vous l’avez fait en début d’année et dans cet article, car vous vous
feriez de la thune sur leur dos.
L : C’est trop
drôle. On n’a pas fait un cent de bénéf, on n’a fait que s’endetter.
V : A part pour la
jeep, on s’est quand même fait ce petit plaisir. Bon… Tristement, je dois
apparemment préciser que c’est une blague, évidemment. Moi je peux te dire que
le seul argent que j’ai retiré de RP, c’est 2 recharges de téléphone de 25
euros et une pizza quand on a sorti la version 2.0, pour fêter ça avec
l’équipe. Les gens qui disent ça n’ont qu’à aller voir l’état du droit par
rapport aux ASBL, s’ils se posent la question. On rémunère nos codeurs parce
qu’eux ne sont pas dans l’ASBL et bossent, donc on doit les rémunérer, car ils
doivent, concrètement, développer tout le site.
Et franchement, ça me tue qu’on dise ça, parce que s’il y a bien une
frustration avec RP, c’est que même si c’est un truc incroyable et que j’adore
le projet, même ma mère, qui est très à gauche, me dit « oui mais bon, tu
passes tes vacances à ça, donc tu ne fais même pas de job étudiant, quand
est-ce que RP te rémunérera ?? », donc s’il y a bien une frustration,
que je partage avec Lucien, c’est qu’on fait un quart temps gratuit, que tout
est du bénévolat, et qu’il faut arrêter les théories du complot selon
lesquelles on fait les Crésus.
Une fois, une fille m’a
demandé « C’est vrai que Lucien et toi vous faites 500 euros par mois sur
RP ? ». Faut réfléchir, si on doit payer les codeurs, qu’on a un seul
sponsor pour le moment sur le site, qu’on a demandé il y a plus d’un an aux
assocs près de 3000 euros, tout est vite parti. Il faut voir combien ça coûte
de faire une ASBL, de payer les codeurs pour faire le site. Que ces gens
fassent une demande de devis à une boîte qui fait des sites web, pour voir un
peu, on va leur dire 10000 boules pour un bête site. Nous on taffe avec nos
petits moyens.
L : Cela dit, si les
gens veulent nous donner du cash, pas de souci.
V : Exactement, s’il
y a des personnes qui veulent faire des dons pour les personnes à la base de
RP, c’est avec grand plaisir. Mais il faut arrêter ce mythe. Faut pas croire
tout ce qu’on dit, c’est clairement une théorie du complot.
L : A part pour la
jeep.
P : C’est quoi le cours qui vous a le plus dégoûté ?
V : Droit de la
famille. Non pas le cours de ACVG en lui-même, mais la branche du droit, parce
que c’est un droit nécessaire au bon fonctionnement de la société, mais qui est
tellement cru dans des trucs émotionnellement forts, et certains arrêts m’ont
profondément dégoûté. Notamment une affaire de filiation, dans laquelle le père
était revenu une fois bourré à la maison, quand ses gosses étaient là. Il n’y a
pas eu de problème, il n’a tapé personne, il était juste bourré. Je pense qu’on
a tous déjà vu ses parents bourrés, et moi-même, j’imagine qu’un jour, je
serai bourré en leur compagnie, mais
dans cette affaire, juste pour cet uniquement élément, ils ont retiré la garde
du père, à vie. Dans un premier temps, je me disais que j’avais raté un truc et
j’ai relu l’exposé des faits, mais non, c’était juste pour ça. J’étais hyper
choqué. Je respecte ceux qui font ça, mais je ne pourrais pas le faire, comme
pour attaquer une mère de famille pour lui faire perdre la garde de son enfant
uniquement parce que je défends le père. J’aime le côté plaidoirie du droit, le
côté un peu manipulateur, l’argumentation, essayer de convaincre le juge, ça
fait partie du jeu, mais quand ça rentre trop dans la sphère de la famille, ça
me dégoûte.
L : Droit du
patrimoine. Quand j’étudiais et que j’ai vu au chapitre ASBL que je pourrais
jamais me faire de la thune avec. Ça m’a dégoûté… Dégoûté, gars… Dégoûté…
P : Auriez-vous une anecdote à nous faire partager sur le
déroulement, l’invention, la vie du projet outre la question posée par cette
fille ?
V : Un jour, un gars
m’a dit, alors que je cherchais un document, « Ha, je sais pas si tu
connais RP, mais tu pourras y trouver le document que tu cherches ».
L : Je n’ai plus
internet depuis janvier, je conçois un site sans avoir internet chez moi.
V : Pour la sortie
de RP 3.0, on a tourné un clip avec un danseur, de la musique, etc., au sein de
l’ULB. On s’est donc dit qu’on voulait tourner une scène où notre danseur dansait
sur le toit de l’ULB. Et notamment, près de la tour industrielle en briques
près du bâtiment D. On est monté sur le bord de la tour, et pendant que
l’équipe filmait avec Lucien en bas, moi j’étais avec le danseur en haut.
Apparemment, on nous a repérés depuis plusieurs endroits de l’ULB, et on a su
par après que tous les téléphones de l’ULB ont alors commencé à sonner.
L : Moi, j’étais en
bas, et tout d’un coup, 7 gars de la sécurité, bien basés et tout, se pointent.
Et là, comme un con, pour prévenir ceux qui sont en haut sans que les mecs de
la sécurité ne les repèrent, je commence à danser et chanter super fort
« Non non, rien n’a changé », en chantant bien fort « NON
NON », mais en le camouflant dans la chanson, pour dire à ceux en haut
« cassez-vous ». Les gardes arrivent et me voient danser comme un
con, et me jettent déjà des regards perplexes, comme si j’étais le dernier des
imbéciles. Ils nous demandent, au caméraman et à moi-même si on est de l’ULB,
ils enchaînent en nous demandant si on a notre carte d’identité, là le
caméraman leur donne mais je dis que je ne l’ai pas. Ils nous disent alors
qu’ils vont devoir appeler les flics, et l’un d’entre eux prend son talkie-walkie
et dit qu’il prévient la police. Puis moi je leur dis « bon, je m’en
vais », puis je pars. Ils me disent « Qu’est-ce que tu fous,
mec ? » Je fais « ouaais, sorry si j’y vais, mais vous n’avez
aucune puissance publique
ni aucune autorité pour me faire rester ici, donc je me casse parce que je n’ai
pas envie d’avoir des emmerdes ». Là, il a
commencé à gueuler, et en voyant que le caméraman pouvait absolument pas me
suivre avec sa big caméra sur l'épaule, et se faisait complètement allumer,
j'suis revenu en disant «ouaaais, excusez-moi, j’ai été un peu pris par le
moment ».
V : Ce qui se passe,
c’est que moi, j’étais sur le toit, quand j’avais entendu Lucien gueuler, j’ai
commencé à piger qu’il y avait un stress, et donc je dis au danseur de se
planquer. On était donc couché sur le toit, et puis j’entends que ça commence à
gueuler super fort en bas, puis après quelque temps, quelqu’un dit « ok
c’est bon, descendez les gars ». Quand j’atteins le sol, il y a un garde
sécu furieux qui se dirige vers moi, et qui commence à me gueuler dessus, me dit
de lui donner ma carte d’identité, tout en continuant à gueuler malgré mes
appels au calme. Rien n’y fait, je me demande ce que Lucien a encore foutu…
Finalement, ça a un peu continué, puis ils nous ont sermonnés et on les a suivis.
L : Ah oui, parce
que là, ils nous emmènent dans leur QG, avec la caméra et tout le monde, et le
chef sort de son truc, et nous dit, tout gentiment « bon les gars,
écoutez, je vous donne ça, là il y a le mail du responsable de la sécurité,
vous lui envoyez un mail pour vous excuser et dire que vous ne ferez plus
jamais ça ».
V : Ceci dit, il
faut dire que c’est vrai qu’on a pris des risques et que c’était pas malin…
L : Tu dis ça parce
qu’il y a l’enregistrement hein !
V : Non mais c’est
vrai, c’est pas hyper malin. On voulait tourner une scène sur le toit, on y a
été. On a envoyé ce mail d’excuse, et il faut quand même dire, je trouve ça
important, que ces gardes étaient hyper sympas, super cool, nous ont emmenés,
un peu sermonnés, nous ont dit qu’il fallait qu’on se rende compte qu’ils
étaient là pour nous, pour notre sécurité, enfin voilà.
Http://www.respublicae.be, un site pour les étudiants, par des
étudiants. Retrouvez l’intégralité de l’interview dans la version informatique
des Novelles, disponible sur la page Facebook du journal.
Par Parasite Noctambule