jeudi 16 août 2012

Chronique de curiosités juridiques n°1


LES ENFANTS DE QUÉVY :

Nouvelle petite série pour les Novelles : la Chronique de curiosités juridiques, série dans laquelle nous allons vous exposer quelques « bêtes » cas de jurisprudence. Attention ceux-ci ne sont pas « bêtes » au sens que l’argumentation juridique n’est pas bonne, non, il s’agit plutôt de vous présenter des curieux cas de jurisprudences du point de vue des circonstances dans lesquelles ils ont été portés à la connaissance des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.
Et pour commencer cette série, nous allons vous présenter un arrêt du Conseil d’Etat dont vous avez déjà dû entendre parler : l’affaire de la punition de Quévy (Mons).

Vous trouverez ce petit arrêt sur Internet : CE 3 mai 2012 n° 219.152.
Pour vous résumer l’affaire, le fils des requérants a été mêlé à une bagarre dans la cour de recréation de l’école communale où celui-ci et des compagnons de classe ont étranglé un autre écolier. L’école a donc, à juste titre, pris les mesures nécessaires pour punir les enfants inconscients mais cette histoire ayant fait du bruit jusque dans les couloirs de la maison communale, il a été décidé d’entendre le fils des requérants pour qu’il s’explique à propos de ce fait plus que répréhensible (en effet, on dénombre chaque année de trop nombreux accidents de ce genre qui malheureusement se terminent souvent de manière tragique, cf. toute les discussions au sujet du jeu du foulard).


Le collège communal a donc décidé d’imposer au jeune homme une petite rédaction, un devoir de vacances de 10 lignes sur le sujet: « Il ne faut pas suivre les mauvais conseils de ses camarades ».
Et là c’est le drame ! Les parents sont horrifiés par la gravité de la « sanction » de cette « peine » prise par le collège communal à l’encontre de leurs enfants. « Quoi une rédaction MAIS C’EST UN SCANDALE ! », Ils ne comprennent pas L’ARCHARNEMENT des autorités communales, ce à quoi la mère rajoute « A-t-on déjà vu un condamné se faire condamner 2 fois pour la même chose ».
Je ne sais pas comment vous avez réagi lorsque que vous avez entendu cette nouvelle, mais pour ma part je n’ai pu m’empêcher de regarder mon chien d’un œil attendri et de lui dire qu’il avait de la chance d’être un chien car les humains sont de plus en plus pitoyables.
Alors il est vrai qu’on peut quand même se demander pourquoi le collège communal est intervenu et sur quelles prérogatives, sur quelles bases s’est il perms d’imposer ce devoir de vacances ? Était-ce une « sanction administrative » ? Et de là sur quels pouvoirs se base-t-il et pouvait-il l’imposer à un enfant mineur ? L’arrêt du Conseil d’Etat ne nous donne aucune information à ce sujet, parlant d’une simple décision du collège communal (d’ailleurs le collège est-il compétent dans pareil cas ?).
Ce cas me fait penser aux histoires écrites par Agatha Christie dans ces » Hercule Poirot » ou « Miss Marple » où les protagonistes se soucient plus du « bien paraître » que des conséquences de leurs actes. Ces personnages qui n’osent plus allez chercher 400 gr de saucissons de jambon au charcutier bio du coin car ils ne supportent plus le regard des « notables du village » car leur progéniture pure et innocente a reçu une HONTEUSE rédaction de 10 lignes infligées par un TRAUMATISANT collège communal.

Car même si leur fils n’a pas étranglé son pauvre petit camarade, il a quand même assisté à la scène sans rien faire, et heureusement pour les requérants personne n’a été blessé (ou tué), et l’affaire n’aurait pas été devant le Conseil d’Etat - une juridiction administrative- mais bien devant le tribunal de la jeunesse et là c’est une autre paire de manches et vraiment traumatisant.
Et puis même si on peut douter ou s’interroger sur la légalité de l’intervention du collège communal, je pense qu’il faut plutôt saluer cette décision qui n’est pas infamante et honteuse, mais qui comme le dit le Conseil d’Etat : « a des vertus éducatives puisqu’elle apprend à l’élève à s’exprimer correctement par écrit et qu’elle le conduit à mener une réflexion et à organiser ses idées à partir d’un sujet déterminé »

Puis le Conseil d’Etat conclut « qu’il ne peut être considéré qu’imposer à un enfant de mener une réflexion sur un sujet tel que celui choisi par la partie adverse est susceptible de lui nuire à quelque égard; que des débats succincts suffisent à constater que l’acte attaqué ne fait pas grief à son destinataire et qu’il n’est dès lors pas susceptible de recours ».

Vu que cette « honteuse condamnation  prononcée par un tribunal communal traumatisant» selon les parents ne fait aucun grief à l’enfant, il n’y a donc pas d’intérêt à annuler la décision et le Conseil d’Etat rejette le recours. On ne peut que suivre le Conseil d’Etat dans cet arrêt car il faut stopper cette nouvelle mode typiquement anglo-saxonne qui est de se plaindre et d’aller devant les Cours et tribunaux de Belgique au moindre petit grief, et puis même s’il y a grief les cours et tribunaux n’ont quand même pas été institués pour discuter de ce genre de sketch. Si leurs enfants avaient été exclus de l’école alors là d’accord pour le Conseil d’Etat mais pour une rédaction de 10 lignes, « il ne faut pas pousser mémé dans les orties »comme le dit le dicton populaire.

Ce cas est aussi symptomatique de la nouvelle mentalité des parents : leurs enfants sont des anges et d’innocentes créatures  et ils ne peuvent donc pas avoir de punitions, de remontrances, de mauvaises notes ou de points en moins dans leurs journaux de classe, c’est impossible car ils sont, comme tout le monde le sait, des enfants remarquables. Gare à l’enseignant qui osera remettre en doute ce dogme.



Pour finir avec cette histoire, on apprend que les parents sont tous les deux juristes… donc voilà c’est officiel : il ne faut pas forcément être une lumière pour réussir ses études de droit, ce qui rend la situation encore plus ridicule. Ce qui ne les empêche pas de dire qu’ils vont continuer à faire des recours (j’aimerais bien savoir où) et qu’ils n’ont aucun problème pour payer ces procédures… bon là je ne dis plus rien.
Comme Paul Herman (journaliste à la RTBF), je proposerais aussi aux parents de faire une petite rédaction sur le sujet : « Il vaut mieux suivre les conseils du Conseil que les conseils de mon conseil ».

Mathieu DekleermakerieIl vaut mieux suivre les conseils du Conseil plutôt que les conseils de mon conseilIl vaut mieux suivre les conseils du Conseil plutôt que les conseils de mon conseil Il vaut mieux suivre les conseils du Conseil plutôt que les conseils de mon conseil

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