LES ENFANTS DE QUÉVY :
Nouvelle
petite série pour les Novelles : la Chronique de curiosités juridiques, série
dans laquelle nous allons vous exposer quelques « bêtes » cas de
jurisprudence. Attention ceux-ci ne sont pas « bêtes » au sens que
l’argumentation juridique n’est pas bonne, non, il s’agit plutôt de vous
présenter des curieux cas de jurisprudences du point de vue des circonstances
dans lesquelles ils ont été portés à la connaissance des cours et tribunaux
de l’ordre judiciaire.
Et pour commencer
cette série, nous allons vous présenter un arrêt du Conseil d’Etat dont vous
avez déjà dû entendre parler : l’affaire de la punition de Quévy (Mons).
Vous trouverez ce
petit arrêt sur Internet : CE 3 mai 2012 n° 219.152.
Pour vous résumer l’affaire, le fils des requérants a été mêlé à une
bagarre dans la cour de recréation de l’école communale où celui-ci et des
compagnons de classe ont étranglé un autre écolier. L’école a donc, à juste
titre, pris les mesures nécessaires pour punir les enfants inconscients mais
cette histoire ayant fait du bruit jusque dans les couloirs de la maison
communale, il a été décidé d’entendre le fils des requérants pour qu’il
s’explique à propos de ce fait plus que répréhensible (en effet, on dénombre
chaque année de trop nombreux accidents de ce genre qui malheureusement se
terminent souvent de manière tragique, cf. toute les discussions au sujet du
jeu du foulard).
Le collège communal a donc décidé d’imposer au jeune homme une petite
rédaction, un devoir de vacances de 10 lignes sur le sujet: « Il ne faut pas suivre les mauvais conseils
de ses camarades ».
Et là c’est le drame ! Les parents sont horrifiés par la gravité de
la « sanction » de cette « peine » prise par le collège
communal à l’encontre de leurs enfants. « Quoi une rédaction MAIS C’EST UN SCANDALE ! », Ils ne
comprennent pas L’ARCHARNEMENT des autorités communales, ce à quoi la mère
rajoute « A-t-on déjà vu un condamné
se faire condamner 2 fois pour la même chose ».
Je ne sais pas comment vous avez réagi lorsque que vous avez entendu
cette nouvelle, mais pour ma part je n’ai pu m’empêcher de regarder mon chien d’un
œil attendri et de lui dire qu’il avait de la chance d’être un chien car les
humains sont de plus en plus pitoyables.
Alors il est vrai qu’on peut quand même se demander pourquoi le collège
communal est intervenu et sur quelles prérogatives, sur quelles bases s’est il
perms d’imposer ce devoir de vacances ? Était-ce une « sanction
administrative » ? Et de là sur quels pouvoirs se base-t-il et
pouvait-il l’imposer à un enfant mineur ? L’arrêt du Conseil d’Etat ne
nous donne aucune information à ce sujet, parlant d’une simple décision du
collège communal (d’ailleurs le collège est-il compétent dans pareil
cas ?).
Ce cas me fait penser aux histoires écrites par Agatha Christie dans ces »
Hercule Poirot » ou « Miss Marple » où les protagonistes se
soucient plus du « bien paraître »
que des conséquences de leurs actes. Ces personnages qui n’osent plus allez
chercher 400 gr de saucissons de jambon au charcutier bio du coin car ils ne
supportent plus le regard des « notables
du village » car leur progéniture pure et innocente a reçu une
HONTEUSE rédaction de 10 lignes infligées par un TRAUMATISANT collège communal.
Car même si leur fils n’a pas étranglé son pauvre petit camarade, il a
quand même assisté à la scène sans rien faire, et heureusement pour les
requérants personne n’a été blessé (ou tué), et l’affaire n’aurait pas été devant
le Conseil d’Etat - une juridiction administrative- mais bien devant le
tribunal de la jeunesse et là c’est une autre paire de manches et vraiment
traumatisant.
Et puis même si on peut douter ou s’interroger sur la légalité de
l’intervention du collège communal, je pense qu’il faut plutôt saluer cette
décision qui n’est pas infamante et honteuse, mais qui comme le dit le Conseil
d’Etat : « a des vertus
éducatives puisqu’elle apprend à l’élève à s’exprimer correctement par écrit et
qu’elle le conduit à mener une réflexion et à organiser ses idées à partir d’un
sujet déterminé »
Puis le Conseil d’Etat conclut « qu’il ne peut être considéré qu’imposer à un enfant de mener une
réflexion sur un sujet tel que celui choisi par la partie adverse est
susceptible de lui nuire à quelque égard; que des débats succincts suffisent à
constater que l’acte attaqué ne fait
pas grief à son destinataire et qu’il n’est dès lors pas susceptible de
recours ».
Vu que cette « honteuse
condamnation prononcée par un tribunal communal traumatisant» selon
les parents ne fait aucun grief
à l’enfant, il n’y a donc pas d’intérêt à annuler la décision et le Conseil
d’Etat rejette le recours. On ne peut que suivre le Conseil d’Etat dans cet
arrêt car il faut stopper cette nouvelle mode typiquement anglo-saxonne qui est
de se plaindre et d’aller devant les Cours et tribunaux de Belgique au moindre
petit grief, et puis même s’il y a grief les cours et tribunaux n’ont quand
même pas été institués pour discuter de ce genre de sketch. Si leurs enfants
avaient été exclus de l’école alors là d’accord pour le
Conseil d’Etat mais pour une rédaction de 10 lignes, « il ne faut pas pousser mémé dans les orties »comme le
dit le dicton populaire.
Ce cas est aussi symptomatique de la nouvelle mentalité des
parents : leurs enfants sont des anges et d’innocentes créatures et ils ne peuvent donc pas avoir de punitions,
de remontrances, de mauvaises notes ou de points en moins dans leurs journaux
de classe, c’est impossible car ils sont, comme tout le monde le sait, des
enfants remarquables. Gare à l’enseignant qui osera remettre en doute ce dogme.
Pour finir avec cette histoire, on apprend que les parents sont tous les
deux juristes… donc voilà c’est officiel : il ne faut pas forcément être
une lumière pour réussir ses études de droit, ce qui rend la situation encore
plus ridicule. Ce qui ne les empêche pas de dire qu’ils vont continuer à faire
des recours (j’aimerais bien savoir où) et qu’ils n’ont aucun problème pour
payer ces procédures… bon là je ne dis plus rien.
Comme Paul Herman (journaliste à la RTBF), je proposerais aussi aux
parents de faire une petite rédaction sur le sujet : « Il vaut mieux suivre les conseils du Conseil
que les conseils de mon conseil ».
Mathieu Dekleermaker
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